« La nuit. Le fleuve roulait à grands coups d’épaules à travers la forêt. » JEAN GIONO – Le chant du monde.
Ils l’ont dit : La poésie est un discours de longue rivière. Après nous, les autres, comme nous après eux, l’incessante succession de murmures sont autant d’éclats éphémères ; mais la rivière, avec tous les épanchements que racontent nos vies, avec nos écailles d’argent posées sur elle, emportées ; toutes ces feuilles et leurs enluminures, tous ces diamants qui font admirer nos fines mains ; la rivière, son chant, nos chants, sont une fusion de rencontres !
Attendez ! Attendez ! Je veux être parrain du renom, je viens pour imposer mes rimes, j’arrive !
Non, beauté, vous ne compterez pas mes petits pas, non, mémoire d’eau, vous ne pourrez retenir mes sueurs, les nommer, mettre un nom sur elles, tôt fait, mes sels dilués en vous ! Et toutes ces gemmes anonymes qui bordent le chemin trop large de l’oubli, roulées, roulées jusqu’aux chutes !
Rivière de mots, c’est votre consécration qui compte ! C’est votre chant, seul, avec toutes nos mains communément données !
Où est-elle, petite pierre ajoutée, sagement ronde, précieuse, polie d’un filet d’eau, infime, infime, infime ? Elle est étonnamment présente ; elle chante avec vous ; elle s’oublie dans la force du flot qui emporte nos élans, jusqu’au sable ultime.